Mars, 2015
Pour un moment court, j'ai pensé à lui hier. J'ai eu un rendez-vous à l'institut de beauté à coté de mon travail que je fréquente depuis 3 mois...pour enlever tout. Eh oui, tout! On ne rigole pas avec les poils en 2015!
Quand je suis entrée dans la chambre de torture, une idée drôle a traversé mon esprit: s'il savait que je m'épile comme une vrai femme, il dirait: "putain meuf, mais pourquoi tu ne faisais pas ça quand on sortait ensemble?" Puis je me posais sincèrement la même question: "oui, mais en fait, pourquoi ?"
Pendent que la dame a appliqué la cire brulante sur mes parties intimes avec un grand sourire, les jambes écartées, les dents serrées et l'esprit grand ouvert...j'ai trouvé la réponse.
Je crois que je me sentais obligé d'être parfaite à coté de quelqu'un qui ne m'acceptait pas avec mes imperfections, mes poiles perdus sur les jambes, mes mots trop forts, mon coeur trop grand et mes espoirs trop ambitieux. Donc peut-être, subconscient, la fille qui j'étais avant se révoltait. Etait-ce ma petite guerre à moi, une sorte de rebellion? La "manif des poils" contre l'homme que j'aimais, le gars qui voulait constamment, lentement, inconsciemment me transformer en plus douce, en plus calme, en plus épilée, en plus femme au foyer, en plus jenesaisquoi...
"Non, j'ai nettoyé la cuisine, j'ai fait les courses, j'ai ramassé ses chaussettes, j'ai attendu qu'il rentre, fatigué, en me regardant comme l'être le plus soulant sur la planète et puis j'ai fermé ma gueule...Ca suffit, je ne vais pas chez l'esthéticienne, je ne peux pas tout donner moi, hein! Le bon vieux rasoir fera l'affaire. Gratos! Serai-je vraiment plus heureuse avec une chatte lisse comme un miroir? Acceptera-t-il plus mon indépendance, apprécia-t-il plus qui je suis pour de vrai, me dira-t-il que je suis belle de temps en temps, à la place de pointer sur un bouton sur ma joue un dimanche matin?"
Probablement pas...
Peut-être mon refus de la cire était un moyen bizarre de garder quelque chose de cette fille folle, libre, bruyante, bavarde...qu'il aimait il y a longtemps. Celle qu'il a écouté, caressé, qui lui a appris à dire je t'aime...dans ce Paris pluvieux, dans cet appart si petit qu'il fallait même pas se lever pour réchauffer le café, à cet époque quand une bouteille de vin suffisait pour estomper la peur de l'inconnu. Je voulais reserver quelque part dans mon coeur cette fille qui croyait en tellement de choses. Cette fille assise au bord de la Seine qui contemplait ses ongles cassés, ses rêves brisés, les yeux fixés sur les reflets des bateaux mouches, pendant des heures. Cette fille qui n'allait pas s'épiler dans l'institut de beauté comme des grandes. Je ne voulais pas perdre cette fille en moi. Je luttais, je m'abandonnais, je me relevais et tombais encore et encore.
J'ai perdu les batailles l'une après l'autre. Mais pas contre mon homme ou la vie. Contre moi-même.
Et un beau jour de janvier, cette fille a décidé de prendre ses valises et me quitter.
Je lui ai couru après pendent des mois, en vain. Je l'ai cherché partout, dans mes souvenirs, dans le miroir, dans les coins de 12ème arrondissement, dans les cafés si familiers de Bastille, au bord de Canal st Martin, à Monoprix, dans le gout de baguette du coin, sur les photos, pendant les danses à 3h du matin, dans les verres rempli de gin, sur les pages que j'ai écrit, lu...à Paris, en Italie, en Grèce, dans les étoiles. Partout. Je pensais qu'elle ne reviendra plus jamais.
Je lui ai trop vexé, trop heurté, trop abattu...elle ne voulait peut-être plus jamais de moi...
Et puis un jour elle m'attendait à l'autre coté de la rue. Il m'a fallu quasiment un an pour la retrouver. Elle souriait, elle me regardait avec l'amour et la joie des retrouvailles. C'était bien elle...mais différente, une femme, dirais-je. Elle portait un sacoche d'ordinateur et un air confiant. La jeune cadre dynamique quoi. Elle me semblait d'être heureuse derrière ses lunettes de petite intellectuelle. Quelle connasse parisienne, petit machin bidule pour avoir l'air plus sérieuse, hein? Puis, elle m'a fait signe avec sa main manucurée et ses yeux brillants. J'hésitais un moment, puis j'ai traversé la rue. Que puis-je perdre.
Je l'ai rejoins dans le soleil fade de novembre..
Aujourd'hui, je suis cette femme et je ne la quitterai plus jamais...pour personne, pour rien.
Aujourd'hui, mes rêves sont frais, mon sourire est honnête et mon amour est "propre" comme un sou neuf..
Aujourd'hui, je connais le prénom de mon esthéticienne et mes jambes sont parfaites. Mais MOI, je ne la suis pas. Et j'en étais jamais aussi fière. Fière de mon esprit "à poils".
"Combien j'ai de la chance de l'avoir retrouvé" ce fut ma dernière pensée.
Puis, j'ai continué mon chemin vers le bureau dans l'air piquant de la banlieue parisienne...
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